
Condensé #16 - Semaine du 11 Août 2021
En long - Propriété intellectuelle : une intelligence artificielle reconnue comme inventeur pour la première fois.
En une ligne dans le reste du monde.
Par Malik Aouadi.
Propriété intellectuelle : une intelligence artificielle reconnue comme inventeur pour la première fois.
Alors que jusqu’à présent la tendance était plutôt de refuser le statut d’inventeur aux intelligences artificielles, deux évènements laissent à penser que cette conception pourrait vite changer.
Les brevets d'invention
Il est coutume de dire qu’un brevet d’invention est une solution technique à un problème technique. Si les conditions sont remplies, le brevet accorde à son inventeur un monopole temporaire sur son invention grâce auquel il a le droit d’interdire toute utilisation qui en est faite, sauf accord préalable.
Bien qu’il n’existe pas de régime juridique unique à l’international, les conditions relatives à l’accord d’un brevet ne varient que légèrement autour du globe. Pour la plupart des régimes, trois conditions sont nécessaires :
Nouvelle : est nouvelle l’invention qui ne fait pas partie de « l’état de la technique » ; cette notion vise tout ce qui a été rendu accessible au public, par tout moyen, dans le monde entier, avant la date de dépôt de la demande de brevet.
Inventive : l’invention doit impliquer une activité inventive dans le sens où cette dernière ne pourrait être évidente pour un homme du métier. En pratique, le respect de ce critère est difficile à juger et s’argumente vigoureusement entre praticiens.
Être susceptible d’une activité industrielle : l’invention doit pouvoir être utilisée dans tout genre d’industrie.
Un octroi de brevet en Afrique du Sud
Dans l’histoire, Dabus restera comme la première intelligence artificielle à avoir été reconnue comme inventeur. En effet, la technologie développée par l’ingénieur Stephen Thaler vient de se voir attribuer un brevet après avoir déposé sa demande en Afrique du Sud.
Cela fait désormais plus de deux ans que l’avocat Ryan Abbot et son équipe, The Artificial Inventor Project, essayent de faire reconnaître Dabus comme inventeur d’un brevet. L’invention en elle-même n’a rien de transcendant, il s’agit d’un récipient alimentaire qui est arrivé à mieux conserver la chaleur que les récipients sur le marché. Cependant, cette invention n’est pas l’œuvre d’un humain mais d’un « moteur créatif, capable de générer de nouvelles idées et des inventions complètes » selon son concepteur.
Alors que le collectif s’est vu refuser toutes ses demandes jusqu’à présent (USA, RU, UE, etc.) la décision de l’office des brevets sud-africain du 29 juillet 2021 vient enfin récompenser les efforts derrière ce projet. Cette décision provoque-t-elle pour autant un retentissement aux allures révolutionnaires dans le monde de la propriété intellectuelle ?
Pas vraiment, à en croire certains détracteurs. Premièrement, il est bon de rappeler qu’un brevet est un titre national, et que sa protection ne s’étend donc qu’au(x) pays ayant délivré(s) tel brevet. De plus, selon Kirk Hartung (cité par IPWatchDog), cette décision est à nuancer. Selon l’avocat américain spécialisé en droits intellectuels, cet octroi s’explique par le fait que la législation sud-africaine ne définit pas le terme « inventeur » et qu’il n’y existe pas réellement d’examen de fond, pour autant que les documents soient remplis correctement. Ryan Abbot, quant à lui, a tenu à rappeler que ses demandes de brevet antérieures avaient déjà réussi à passer l’examen de fond au Royaume-Uni et à l’Office européen des brevets mais avaient échoué pour des raisons de forme.
Porte entrouverte en Australie
Aussi étonnant que cela puisse paraître, il s’avère qu’un deuxième évènement relatif aux brevets et à l’IA s’est produit récemment. Et encore une fois, il s’agit de l’intelligence Dabus au centre du débat.
Parmi les pays ayant déjà refusé d’attribuer la titularité du brevet à Dabus se trouvait l’Australie, déclarant qu’un être humain devait être désigné comme inventeur. C’est du moins ce qu’avait estimé le commissaire-adjoint aux brevets australien en précisant que, malgré que le terme d’inventeur ne soit pas défini dans le Patent Act de 1991 qui régit la matière du brevet, il aurait été compris comme désignant des personnes physiques, même si des machines étaient utilisées comme outils.
Pour autant, un jugement rendu vendredi dernier par la Cour fédérale a décidé d’annuler cette décision et de renvoyer l’affaire à la commission pour que celle-ci puisse faire l’objet d’un nouvel examen. Dans ses conclusions, le juge Beache semble reconnaître le rôle étendu que peut jouer l’IA dans la recherche pharmaceutique et indique ne pas vouloir adopter une vision étroite de la notion d’inventeur.
Étant donné la portée mondiale du sujet et la position inédite de la Cour fédérale australienne, il est très probable que cette décision fasse l’objet d’un appel. Quoi qu’il en soit, ces avancées, aussi minimes soient-elles, permettent d’entrevoir la possibilité qu’une intelligence artificielle se voie un jour considéré comme inventeur.
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