Condensé #13 - Semaine du 14 JuiLLET 2021

En long - CJUE - Youtube pas responsable de ses utilisateurs !

En bref - Droits voisins - Nouvelle amende record pour Google.

En une ligne dans le reste du monde.

Par Malik Aouadi.


CJUE - Youtube pas responsable de ses utilisateurs !

Les faits

En 2008, Frank Peterson, producteur de musique avait saisi la Cour fédérale allemande (Bundesgerichtsh) afin d’y poursuivre Youtube et sa société mère Google après que certains utilisateurs aient mis en ligne plusieurs phonogrammes protégés par des droits d’auteur dont le producteur estimait en être le titulaire.

Dans une affaire indépendante à cette dernière, Elsevier, une maison d’édition basée aux Pays-Bas avait de même saisi le Bundesgerichtsh à l’encontre du service d’hébergement Cyando après que des fichiers protégés par des droits d’auteur détenus par Elsevier y soient publiés.

Ce n’est pas la première fois que ce genre de litige entre l’industrie créative et les plateformes d’hébergement en ligne survient. Naturellement, la Cour allemande s’est tournée vers la Cour de Justice de l’Union européenne (ci-après «CJUE»).

Parmi les questions posées à la Cour de Justice par les tribunaux allemands figuraient principalement:

  • une demande de précision autour de la notion de «communication au public» au sens de la directive 2001/29 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information. Dans quelles mesures des services en ligne tels que Youtube ou Cyando effectuent-ils une « communication au public » lorsqu’il s’agit de fichiers piratés ?

  • une demande de clarification autour de l’exonération de responsabilités des intermédiaires pour les contenus qu’ils stockent à la demande de leurs utilisateurs prévue par la directive 2000/31 (aussi connue sous le nom de directive « du commerce électronique).

Source: Giphy

La décision rendue

i. La communication au public

Selon l’argumentaire de l’avocat général, l’hébergement de contenus sur les plateformes telles que Youtube et Cyando ne consiste pas, en principe, à « des communications au public » au sens de la directive 2001/29. Si tel est le cas, les plateformes devraient dès lors être exonérées de toutes infractions commises par des utilisateurs qui y publieraient illégalement des œuvres protégées.

La CJUE a décidé de suivre cette voie et en estimant que les plateformes de services en ligne ne sont pas directement responsables des utilisateurs pirates :

« En l'état actuel des choses, les opérateurs de plateformes en ligne n'effectuent pas, en principe, eux-mêmes une communication au public de contenus protégés par le droit d'auteur mis en ligne illégalement par des utilisateurs de ces plateformes ».

Cependant, la CJUE précise que le caractère « délibéré » de l’intervention de la plateforme est déterminant en vue de déterminer si une communication au public est effectuée ou non. En particulier, il est nécessaire de déterminer si la plateforme a agi « en pleine connaissance » des conséquences de son intervention pour permettre aux utilisateurs d’accéder à des contenus protégés par le droit d’auteur. 

À cet égard, la CJUE estime qu’il est pertinent d’examiner : 

  • Si la plateforme, bien qu’ayant connaissance de la mise à disposition illicite de contenu protégé sur son service, s’abstient de l’effacer ou d’en bloquer l’accès rapidement ;

  • Si la plateforme sait qu’il existe un risque de publication de contenus protégés sur sa plateforme et qu’elle s’abstient de mettre en œuvre toutes mesures techniques appropriées qu’il est permis d’attendre d’un opérateur normalement diligent pour contrer cette problématique ;

  • Si la plateforme participe sciemment à la promotion de contenus comprenant des contenus protégés (comme la catégorie « Tendances » sur Youtube), indiquant que la plateforme a adopté un modèle économique incitant les utilisateurs à publier de tels contenus illicites.

ii. Sur l’exonération de responsabilité

De manière générale, les plateformes qui se contentent de fournir leurs services en tant qu’hébergeurs peuvent bénéficier de l’exonération de responsabilité introduite en faveur des intermédiaires en ce qui concerne les contenus stockés à la demande de leurs utilisateurs conformément à l’article 14 de la directive 2000/31 sur le commerce électronique. Cette exonération cesse toutefois de s’appliquer si la plateforme joue un rôle actif dans le maintien ou la propagation du contenu illicite. En l’espèce, la Cour de Justice de l’Union européenne a estimé que ces dernières conditions n’étaient pas remplies et que les plateformes pouvaient dès lors bénéficier de l’exonération prévue par la directive.

Et demain?

Il est extrêmement important de préciser que la Cour précise que son arrêt est rendu en respect de l’état du droit au moment des faits – et qu’elle n’a pas tenu compte de la directive de 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique introduisant un nouveau régime de responsabilité pour les exploitants de plateformes en ligne telles que Youtube.

Cette nouvelle directive, dont l’article 17 a déchaîné les passions pendant de longs mois, oblige notamment les plateformes à obtenir des titulaires de droit un accord de licence pour les œuvres publiées sur leurs sites par les utilisateurs du service. Malgré les changements apportés par cette directive, l’arrêt rendu par la CJUE dans cette affaire garde une certaine pertinenceEn effet, toutes les plateformes en ligne ne remplissent pas forcément les critères nécessaires pour être considérés comme étant des « fournisseurs de services de partage de contenus en ligne » au sens du nouvel article 17 de cette directive. En ce qui concerne Youtube toutefois, il sera intéressant de voir comment la CJUE appliquera la nouvelle directive à son égard dans le futur.


Amende de 500 millions d'euros pour Google par l'Autorité française de la Concurrence

Les droits voisins

Le conflit entre l’entreprise américaine et les éditeurs de presse français porte sur les droits que doit verser Google pour son utilisation de contenus journalistiques – tels que des extraits d’articles, photos ou vidéos - qui apparaissent dans les résultats du célèbre moteur de recherche.

Hostile au respect de ces droits voisins du droit d’auteur, Google a d’abord refusé de négocier toute rémunération estimant que les éditeurs et agences de presse étaient suffisamment rémunérés par le trafic qu’engendrait l’entreprise sur leurs sites.

Source: Unsplash

Pas le premier avertissement

En avril 2020, quelques mois après un dépôt de plainte formelle devant l’autorité de la Concurrence française pour abus de position dominante, des mesures d’urgence et l’obligation de négocier de bonne foi une rémunération avec les éditeurs de presse avaient été imposées à la société californienne. Devant l’inertie de Google, les éditeurs et l’AFP avaient de nouveau saisi l’Autorité de la Concurrence en septembre 2020.

La décision

C’est sur le respect de cette obligation de négociation de bonne foi que s’est donc penchée l’Autorité de la Concurrence. Cette dernière critique particulièrement la tentative de Google de déplacer les négociations sur le terrain de Google Showcase, un nouveau service proposé par le moteur de recherche au lieu d’avoir une discussion spécifique et précise sur les droits voisins. De plus, l’Autorité accuse Google de ne pas avoir communiqué aux éditeurs et agences de presse « les informations nécessaires à une évaluation transparente sur la rémunération due».

Ce mardi 13 juillet, la volonté de sévir de l’Autorité s’est illustrée. Le gendarme française a imposé une amende record de 500 millions d’euros à Google pour violation de son obligation de négociation de bonne foi avec les éditeurs de presse sur l’application des droits voisins. L’Autorité a couplé cette décision d’une possibilité d’astreinte pouvant atteindre 900 000 euros par jour de retard au cas où Google manquerait de  «présenter une offre de rémunération pour les utilisations actuelles de leurs contenus protégés » aux éditeurs et agences de presse.


Dans le reste du monde:

  • Jay-Z et NFT, la vente des droits du premier album face à la justice américaine.

  • Airbnb condamnée à 8 millions d’euros d’amende à Paris.

  • Un homme se vantait d'avoir pris part à l'assaut du Capitole sur Bumble. Son match l'a dénoncé au FBI.

  • Trump poursuit Facebook, YouTube et Twitter pour «censure».

  • Amazon laisse l’IA licencier ses livreurs selon une enquête édifiante.

  • L'Italie condamne le service de livraison Foodinho à une amende de 2,6 millions d'euros.

  • La fintech Klarna placée sous surveillance par l'autorité financière suédoise.

  • L'armée américaine va tester une pilule anti-âge.

  • Le cerveau de Supreme Italia condamné à une peine de prison pour un plan «culotté» de détournement de la marque Streetwear.

  • Un NFT du World Wide Web se vend pour 5,4 millions de dollars. Avec une faute de frappe...